samedi 23 juin 2007

Rimbaud et nous

Jean- Luc Vertz 4 juin : EN souvenir de « Germaine »…

Absorbé ce jour-là dans des tracas divers,
A l’heure du coup de feu,
Mes pas m’avaient conduit à l’Auberge Rouet,
Un lieu où, à peine la porte poussée,
Une voix de stentor pas du tout briochée,
Vous hèle (et ?) vous sidère (frigère ?) :

« Longtemps qu’on vous a vu ! »
Comme accueil…

La faim me tenaillant, face à l’adversité –
Deux quintaux fort graisseux
A l’image des dindes que son mari élève -
Il fallait simuler.
« C’est vrai ! reconnais-je, matois.
De votre cher quartier,
J’ai déserté l’endroit. »

Ah ! ces deux petits yeux de fouine,
Qui me fouillent, qui me fouettent.
Je sens que ma réplique n’a pas atteint son but.
Une couche en rajoute :
« Chère dame,
Sachez que contempler céans,
Votre alerte minois,
Remplit mon cœur de joie ! »

La garce en doute.
Car sans doute, a-t-elle souvenance
Qu’un midi, me trouvant à son goût -
Elle fit donc fi des miens,
Qui seulement visaient les chapons de l’époux -,
Avait coincé mon corps
Contre le sien en rut derrière la rôtissoire.

Elle passe outre, préférant son commerce à ses lointains désirs.
« Puisque fous êtes ici, installez-fous donc là ! »
Je m’assois.
Mmmm…
Mon nez capte un fumet sortant de la cuisine qui me laisse pantois.
« F’est lundi aufourd’hui ! »
me lance la matrone en branlant du dentier.
Je n’en discute pas car toujours je renifle
Les volutes exquises.
« C’est donc lundi, vous dites ? reprends-je innocemment.
C’est parfait, chère dame, le plat du jour embaume,
Laissez-moi deviner…
Ne sont-ce pas de l’ail, du fenouil, de l’olive d’Italie,
Que le Père a saisi pour cuire une rascasse ? »
Mes narines palpitent, elles prennent leurs bonnes aises.
Pour un peu, elles me pousseraient même à le féliciter,
Ce brave vieux Rouet.
Mari d’un pareil squale,
Il a bien du mérite à se décarcasser !

Le fumet sent si bon, au diable la rombière !
Je déclare, ravi, que je veux ce poisson.
Si j’avais pu me taire…

La Rouet me regarde.
Ses iris se rétractent,
Transformés en poignards,
Ils vont me dépecer.
Métamorphose étrange,
Ils ont tout du brochet.
Je la vois qui s’étrangle,
Qui fourre sous son palais
Un doigt tout boudiné
Qui croche le râtelier,
Le ressort tout baveux
Puis le pointe sur moi.
Et soudain, elle gueule,
« Non Monfieur ! 
Aufourd’hui, f’est du feau ! »

Craignant que si je parle,
Son dentier à nouveau se décroche,
Je regarde mes pieds,
Les maudis en silence,
Je me sens tout benêt. 

Je déteste le veau !

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