samedi 23 juin 2007

A la manière de La Salade de Ronsard

Il faut, c’est sûr, une patiente nature
Pour se lancer dans pareille aventure.
Vos invités arrivent vers treize heures ?
Prenez soin d’enfourner à six heures !

Votre four, vous devez préchauffer
A thermostat deux cents degrés.
Dans votre plat aux dimensions,
Déposez-y sans précaution
Le gros cuisseau, salé, aillé,
Que vous vous gardez de piquer.
(Pensez aussi : ne pas huiler)

Je vous le dis en confidence :
Stockez du blanc en abondance,
(Nul besoin de vous en faire
Un Savoie blanc fera l’affaire)
Car vous aurez à arroser,
Vous le ferez comme je dirai.

Maintenant que le four est chaud,
Introduisez votre gigot.
(Notez : réduire la chaufferie.
Baissez d’un tiers, je vous en prie.)

Les débuts sont sans odeur,
Vous n’observez qu’une couleur.
(La teinte est rouge brune, celle du sang séché
Qui résulte de l’écorché ;
Le rose à l’intérieur reste caché)

Laissez saisir une demie d’heure,
Gigot s’installe avec bonheur.
(Pendant ce temps, vous, vous vaquez,
A tout vos petits commerces privés :
Vous vous lavez, vous vous prenez un bon café,
Vous vérifiez que le soleil s’est bien levé…)

Le minuteur vient de sonner.
Vous entrouvrez, longues cuillères
De votre vin vous remplissez
Que sur la bête vous versez.
(L’équivalent d’un verre).
Chaque quart d’heure, recommencez.

Il est dix heures ! Votre gigot,
En plus du vin, produit du jus,
Que dans un bol vous réservez.
(Le garder tiède pendant une heure)

Onze heures ! Quand sonne minuteur,
Faites donner le romarin.
(Vous raclez doux
Dos de la peau sans déchirer.)

Onze heures quinze !
Votre cuisine sent la Provence !
Jusqu’à midi thermostat cinq,
Mon dieu, que soient béni
Les éleveurs de Sisteron !

Douze à treize heures, jus réservé
Mêlé au vin, en quatre apports,
Pas un de moins…

Treize heures. Vous arrivez enfin au Port.
Couvrez le plat, laissez au chaud.
(N’oubliez pas d’éteindre four)
Vos invités seront surpris,
Qu’à côté de leurs assiettes,
Ils ne trouvent point de fourchettes,
Mais de toutes petites cuillères, nécessaires,
Pour détourer comme un Mont-d’Or,
La moelle d’un os, voire un sorbet
A la fraise, ou encore une glace aux airelles.

Bon appétit, mes zamis ! (Si toutefois c’est réussi…) Jean-Luc Vertz

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