jeudi 28 juin 2007

Spécial copinage

Compagnie Bel Ami 1, Place des Tilleuls 38000 Grenoble Tél. 04 76 01 93 11 compagnie.belami@wanadoo.fr

SPECTACLE : Musique et Conte-Théâtral


L’homme qui plantait des arbres

J.GIONO / J.S. BACH
(© Editions Gallimard)

    
    Sur les chemins de Haute Provence, un acteur, un musicien et son violoncelle jouent la passion d'un berger qui par delà les deuils et les guerres et dans une solitude totale, consacre sa vie à planter des arbres jusqu'à en recouvrir tout le pays et lui redonner vie.
Sur scène un violoncelliste, un comédien.
Par jeu, puis emporté par l’histoire, le violoncelliste et l’acteur deviennent complices créant un dialogue entre musique et texte et nous font voyager de Bach à Giono.

Le texte de J.GIONO et les Suites pour Violoncelle Seul de J.S.BACH se croisent comme deux torrents qui se rejoignent.


La Presse : _ « …Gilbert Dombrowsky est un prodigieux diseur de merveilles. Avec la fausse naïveté d’une voix très bien posée et une mise en scène d’Alain Bridonneau propre à capturer tous les regards,il nous a restitué avec beaucoup d’émotion cette caresse d’astre, ce petit chant du Monde. Avec eux on a ressenti la rondeur et l’immensité du ciel, le craquement des branchages dans la forêt, le grondement du vent et la foi indéracinable de l’homme... » (Georges Zeitoun, critique théâtral au Dauphiné Libéré)

_ «…Fruit du hasard et de la rencontre de deux talents, L’Homme qui plantait des arbres, présenté par la Compagnie Bel Ami fait partie de ces spectacles que l’on ne peut voir sans en ressortir un peu changé. Porteur d’espoir à une époque où notre société en manque tant, ce concert spectacle nous livre une fraîcheur et une émotion rare. » (Vaucluse Matin)

_ « Le spectacle est simple et riche à l’image du très beau texte de Giono…Gilbert Dombrowsky fait preuve d’un talent certain, sachant mettre en valeur un texte,le servir avec la finesse et la pudeur requise, dialoguant subtilement avec le violoncelle chaleureux de Pascal Gessi… La Compagnie Bel Ami nous a offert là une heure savoureuse. » (Dauphiné Libéré)  
 
Pascal GESSI : Le Violoncelliste
Premier prix du Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon
Violoncelle solo à l’Orchestre de Grenoble
Diplômé d’honneur de l’Académie Internationale de Turin
Membre de l’orchestre Musiciens du Louvre-Grenoble  dirigé par Marc Minkowski et Mirella Giardelli

Gilbert DOMBROWSKY : Le comédien 
_ A joué au théâtre avec : J. WEBER, A. FARAOUN, J. BOEUF, M.G. SANSONNE
_ Au cinéma avec : TRUFFAUT, PLANCHON, SAUVAGEON
_ Rôle principal dans des pièces de MOLIERE, Victor HUGO, IONESCO, MAUPASSANT, VINAVER, PONSON du TERRAIL et GIONO
_ A enregistré une quinzaine de romans pour des maisons d’édition. 

Fiche technique durée : 75 mn. ; espace 3mX2m
 
Tarif  : 1850 € TTC 3400 € TTC si deux représentations le même jour Plus transport et hébergement


Le spectacle peut être joué dans des appartements, des théâtres, des granges, des salles de conférence ou bibliothèques avec une acoustique de qualité . Public à partir de 14ans .


P.S. Extraits des derniers articles _: «  Cette épopée rustique _ un texte qui redonne confiance, un texte anti-résignation_ est transcendée par la musique de Jean Sébastien Bach. Grâce au brio de Pascal Gessi, le violoncelle devient le chant grave et digne de la sérénité du monde paysan. Le musicien considère que « le texte de Giono joue tellement avec les images de la nature, qu’avec le violoncelle, on peut par des clins d’oeil s’évader dans la poésie. Le violoncelle a une texture qui crée un rapport avec la voix humaine, en particulier avec la voix chaude du comédien ». Admirablement servi par Gilbert Dombrowsky, duquel émane une exaltation intérieure à la fois contenue et passionnée qui donne à l’esprit du texte toute sa profondeur ; le violoncelle est totalement en phase. Tantôt lugubre quand il évoque la mort, tantôt plein d’allégresse pour annoncer la renaissance de la nature et de la vie. Simple mais fort ce spectacle est un grand bol d’air pur. » Claudette Genin ( Le Dauphiné Libéré )

_: « L’interprétation de Gilbert Dombrowsky accompagné de Pascal Gessi pour la musique est spirituelle et mystique à la fois. Sublime, elle nous laisse après le spectacle encore plein d’images ensoleillées. » Fred Lee ( Le Dauphiné Libéré )

mardi 26 juin 2007

Acrostiches

Acrostiche à Toi


Genève ni Java, jamais je n’y vais ; juste en
Italie où Les Litanies de Locatelli lèvent mes
Lèvres vers mon ciel : Elle,
Belle, ma barbare à bicyclette
En roue libre se la roule douce.
Règne, Amore ; de ton rire j’ai la fièvre, tendre Rossana;
Toi, ta…tes…ton… j’y tiens .Ton toqué de Toi.

Gilbert Dombrowsky décembre 2006

La Pomme et Francis Ponge

POMME

Pomme, petite pomme, pommette des petiotes, quelques caresses et tu brilles.
Quand Ta peau tendue et lisse miroite la lumière : Ainsi l’eau d’un lac que rien ne perturbe lorsque le soleil du soir s’y regarde une dernière fois.
Si ta peau un brin grumelle sur une pulpe ferme : Ainsi la soie mouillée se moule sur des chairs pleines et rondes que l’eau froide a fait chair de poule.
Lorsque ta peau se dénoue, douce sucrée ou acide ta pulpe appelle la bouche : Ainsi l’étoffe qui glisse en tourbillons.
Voici le cœur ; voila les pépins
Mais foin de la Discorde, des Hespérides ou d’Adams quand on t’implore en frissonnant s’entendent les premières notes d’une musique entêtante : Popopopome !

Gilbert Dombrowsky
Octobre 2006

Sonnet à la manière de Queneau cent mille milliards de poèmes

LE SONNET

Mon père, déjà jeune, il remontait le Tage
Pour fuir sa famille son parc et sa maison
Qui depuis trop longtemps semblaient une prison
Et où toute pensée sentait le marécage.

« Je me souviens trop bien de cette belle cage
Où je devais marier, obligé, la Louison,
Fille de grand notaire et de bonne raison
Quand j’aurais dû vivre dans un petit village.

Loin je voulais partir, loin vers d’autres cieux,
Ne plus jamais croiser les révérencieux,
Lorsqu’il devint urgent de briser la routine.

Qu’il fut léger, qu’il fut bleu l’air de ce matin
Où j’embarquais plein de confiance et d’entrain
_ Ah fils, enfin courir sur la grève argentine ! ».

Gilbert Dombrowsky
décembre 2006

Fables

Le Moustique et L’Ours blanc

On n’a jamais besoin d’un bien plus grand que soi
Et à toujours vouloir vivre en sécurité
Un jour ou l’autre il vous le fait payer ;
Pour un oui pour un non vous serez balayés.
Sous sa forte bannière, fier, Droit,
vous aimiez marcher, hier ;
Demain, vous arpenterez seul votre chemin de croix ;
Peut-être aussi celui de votre liberté.

Lilliputien Moustique sous un poil d’ours caché
Faisait bon gîte et bonne chère Dans la fourrure du Seigneur des étendues glaciaires.
_ « Tu me débarrasseras de mes parasites. _ Oui, Maître. _ Tous les poux puces punaises et
tiques. _ Bien, Maître _ Sans oublier les bactéries et les champignons. _ Pardon, Maître, mais... _
Tais-toi et débrouilles-toi. _ Bien sûr, Maître. _ Et quand je verrai l’Homme s’approcher, toi et les
tiens, vous vous ruerez sans pitié, lui ferez aveuglante nuée et moult irritants agacements ( pour ça à merveille vous vous y entendez ) aussi longtemps qu’il n’aura pas tourné les talons. _ Oh,
oui, oui Maître. »
Notre Moustique se sentait grand d’être sous son bras ;
Se croyant plus grand encore, répétait à tue-tête
Qu’il vaut mieux être dans la queue du Lion que dans la tête du Rat
Quand il ne faisait que bien répéter ce que tous les siens répètent
Depuis lointaine lurette.
« En attendant fais-moi rire, Bouffon,
Picote-moi sous les bras. »
Allègre, Seigneur Ours dandinait un menuet.
« Ah, Banquise, amie d’éternité - dit-il à sa complice-
Des moustiques j’en ai écrasés par milliers,
Autant au casse-pipe face aux Hommes j’en ai envoyés
Et dès que je leur ouvre les bras, à nouveau
Se précipitent y prendre vivres et asile.
Si je leur accorde un sourire, une singerie à leurs petits, une médaille pour leurs braves,
Les voila toute la nuit caquetant
Et reconnaissantement sur mes flancs
Bavent.
Un mien ami en Aquitaine dit
Qu’on y parle beaucoup de La Servitude Volontaire ;
Certes !
... Oh ,du calme là-dessous _ Moustique prenait ses aises _.
Vous leur autorisez un poil,
Ils prendraient toute la fourrure ! ».
Seigneur Ours est fort chatouilleux sur le soupçon, la confiance et la trahison ;
En alerte, notre plantigrade parano mais presque, ne s’en laissa point conter.
Pour moucher l’impertinent moucheron,
Dans sa superbe, il attaque un plongeon.
Avant de tomber dans l’eau glacée
Moustique eut juste le temps de serrer ses hardes
Et le voila livré au hasard,
Aux grands vents et au blizzard,
Aux caprices de la camarde.
Seigneur Ours remonta sur la banquise en baîllant :
« Celui-là, il devenait un peu trop bruyant. »

Gilbert Dombrowsky décembre 2006

samedi 23 juin 2007

A la manière de La Salade de Ronsard

Il faut, c’est sûr, une patiente nature
Pour se lancer dans pareille aventure.
Vos invités arrivent vers treize heures ?
Prenez soin d’enfourner à six heures !

Votre four, vous devez préchauffer
A thermostat deux cents degrés.
Dans votre plat aux dimensions,
Déposez-y sans précaution
Le gros cuisseau, salé, aillé,
Que vous vous gardez de piquer.
(Pensez aussi : ne pas huiler)

Je vous le dis en confidence :
Stockez du blanc en abondance,
(Nul besoin de vous en faire
Un Savoie blanc fera l’affaire)
Car vous aurez à arroser,
Vous le ferez comme je dirai.

Maintenant que le four est chaud,
Introduisez votre gigot.
(Notez : réduire la chaufferie.
Baissez d’un tiers, je vous en prie.)

Les débuts sont sans odeur,
Vous n’observez qu’une couleur.
(La teinte est rouge brune, celle du sang séché
Qui résulte de l’écorché ;
Le rose à l’intérieur reste caché)

Laissez saisir une demie d’heure,
Gigot s’installe avec bonheur.
(Pendant ce temps, vous, vous vaquez,
A tout vos petits commerces privés :
Vous vous lavez, vous vous prenez un bon café,
Vous vérifiez que le soleil s’est bien levé…)

Le minuteur vient de sonner.
Vous entrouvrez, longues cuillères
De votre vin vous remplissez
Que sur la bête vous versez.
(L’équivalent d’un verre).
Chaque quart d’heure, recommencez.

Il est dix heures ! Votre gigot,
En plus du vin, produit du jus,
Que dans un bol vous réservez.
(Le garder tiède pendant une heure)

Onze heures ! Quand sonne minuteur,
Faites donner le romarin.
(Vous raclez doux
Dos de la peau sans déchirer.)

Onze heures quinze !
Votre cuisine sent la Provence !
Jusqu’à midi thermostat cinq,
Mon dieu, que soient béni
Les éleveurs de Sisteron !

Douze à treize heures, jus réservé
Mêlé au vin, en quatre apports,
Pas un de moins…

Treize heures. Vous arrivez enfin au Port.
Couvrez le plat, laissez au chaud.
(N’oubliez pas d’éteindre four)
Vos invités seront surpris,
Qu’à côté de leurs assiettes,
Ils ne trouvent point de fourchettes,
Mais de toutes petites cuillères, nécessaires,
Pour détourer comme un Mont-d’Or,
La moelle d’un os, voire un sorbet
A la fraise, ou encore une glace aux airelles.

Bon appétit, mes zamis ! (Si toutefois c’est réussi…) Jean-Luc Vertz

Rimbaud et nous

Jean- Luc Vertz 4 juin : EN souvenir de « Germaine »…

Absorbé ce jour-là dans des tracas divers,
A l’heure du coup de feu,
Mes pas m’avaient conduit à l’Auberge Rouet,
Un lieu où, à peine la porte poussée,
Une voix de stentor pas du tout briochée,
Vous hèle (et ?) vous sidère (frigère ?) :

« Longtemps qu’on vous a vu ! »
Comme accueil…

La faim me tenaillant, face à l’adversité –
Deux quintaux fort graisseux
A l’image des dindes que son mari élève -
Il fallait simuler.
« C’est vrai ! reconnais-je, matois.
De votre cher quartier,
J’ai déserté l’endroit. »

Ah ! ces deux petits yeux de fouine,
Qui me fouillent, qui me fouettent.
Je sens que ma réplique n’a pas atteint son but.
Une couche en rajoute :
« Chère dame,
Sachez que contempler céans,
Votre alerte minois,
Remplit mon cœur de joie ! »

La garce en doute.
Car sans doute, a-t-elle souvenance
Qu’un midi, me trouvant à son goût -
Elle fit donc fi des miens,
Qui seulement visaient les chapons de l’époux -,
Avait coincé mon corps
Contre le sien en rut derrière la rôtissoire.

Elle passe outre, préférant son commerce à ses lointains désirs.
« Puisque fous êtes ici, installez-fous donc là ! »
Je m’assois.
Mmmm…
Mon nez capte un fumet sortant de la cuisine qui me laisse pantois.
« F’est lundi aufourd’hui ! »
me lance la matrone en branlant du dentier.
Je n’en discute pas car toujours je renifle
Les volutes exquises.
« C’est donc lundi, vous dites ? reprends-je innocemment.
C’est parfait, chère dame, le plat du jour embaume,
Laissez-moi deviner…
Ne sont-ce pas de l’ail, du fenouil, de l’olive d’Italie,
Que le Père a saisi pour cuire une rascasse ? »
Mes narines palpitent, elles prennent leurs bonnes aises.
Pour un peu, elles me pousseraient même à le féliciter,
Ce brave vieux Rouet.
Mari d’un pareil squale,
Il a bien du mérite à se décarcasser !

Le fumet sent si bon, au diable la rombière !
Je déclare, ravi, que je veux ce poisson.
Si j’avais pu me taire…

La Rouet me regarde.
Ses iris se rétractent,
Transformés en poignards,
Ils vont me dépecer.
Métamorphose étrange,
Ils ont tout du brochet.
Je la vois qui s’étrangle,
Qui fourre sous son palais
Un doigt tout boudiné
Qui croche le râtelier,
Le ressort tout baveux
Puis le pointe sur moi.
Et soudain, elle gueule,
« Non Monfieur ! 
Aufourd’hui, f’est du feau ! »

Craignant que si je parle,
Son dentier à nouveau se décroche,
Je regarde mes pieds,
Les maudis en silence,
Je me sens tout benêt. 

Je déteste le veau !

Centons II.

1) Nostalgie

Sur le Pont Neuf j’ai rencontré
L’ancienne image de moi-même
Pont Alexandre pâle et beau
Toutes les filles le dimanche
s’en vont flâner au bord de l’eau.
Mon beau Paris de marronniers
C’était comme une féerie
C’était le Paris de l’an mille
Le souvenir n’est qu’une cendre
Adieu ma vie, adieu ma ville.

Centon Louis Aragon : le roman inachevé

2) Portrait mélancolique

Je suis le ténébreux, le veuf, l’inconsolé
Je suis debout dans la nuit noire et je m’agrippe
Je suis comme le roi d’un pays pluvieux
Je suis veuf, je suis seul et sur moi le soir tombe.

J’ai chaud extrême en endurant froidure
J’ai sur l’âme un cercle lumineux qui voyage
J’ai quelque lassitude, est-ce l’heure, est-ce l’âge ?
J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.

Je vous aime ô beaux hommes vêtus d’opossum
J’aime le son du cor le soir au fond des bois
J’aime de vos longs yeux la lumière verdâtre
J’aime… à ce nom fatal je tremble je frissonne

J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies
J’ai rêvé dans la grotte où nage la sirène
J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité
Je rêve que je dors je rêve que je rêve

G. de Nerval : El desdichado
René-Guy Cadou : La nuit surtout (Hélène ou le règne végétal)
Charles Baudelaire : Spleen
Victor Hugo : Booz endormi
Louise Labé : Sonnet
Valéry Larbaud : Thalassa
Louis Aragon : Le roman inachevé
Charles Baudelaire : Spleen
Robert Desnos : Rrose Sélavy
Alfred de Vigny : Le cor
Charles Baudelaire : Chant d’automne
Louis Racine : Phèdre
Arthur Rimbaud : Le bateau ivre
Gérard de Nerval : El desdichado
Robert Desnos : J’ai tant rêvé de toi

Centons : O.Cadiot, R. Barthes, C. Roy, R. Ducharme.

DIALOGUE SENTIMENTAL
ELLE — O april night how far and bright…
LUI — Qui va là ?
ELLE — Je vous aime !
LUI — Mais qui êtes-vous ?
ELLE — Je suis une alchimiste rendue folle par des vapeurs de mercure, un être à torturer, gelé, emmagasiné, momifié, prêt pour la dissection ! Je vous aime ! Je t’aime !
LUI — Elle perd la tête !
ELLE — Je vous aime ! Je désire que vous me caressiez, me touchiez, m’embrassiez, me donniez du plaisir, je désire vous caresser …
LUI — Que faîtes-vous là !
ELLE — … vous toucher, vous donner du plaisir ! J’aime à imaginer que nous sommes deux pierres que j’ai entrepris de greffer l’une à l’autre avec mon sang, oh mon ami, mon doux ami ! Aucun lien ne nous unira que je n’aurai tissé de mes propres mains. Je t’aime !
LUI — C’est fou ce que les gens peuvent inventer ! Je t’aime… je te l’aime… tu me l’aimes… Beau sac d’embrouille, le verbe aimer. Je suis contre l’amour.
ELLE — L’amour ! ô joie extrême ! neige de printemps aussitôt fondue que tombée ! neige du cœur de l’hiver aux flocons durcis ! première neige fragile de l’automne, mot qui fait se lever la neige des grandes tempêtes ! Je t’aime ! Je vous aime !
LUI — Où avez-vous appris ce que vous racontez–là ? Sur la planète Mars ? Les histoires d’amour me fatiguent. Conte de fées ! C’est toujours pareil : Il était un grand nombre de fois…
ELLE — Des milliards de fois ! Des milliards de fois je t’aime, je t’aime, je t’aime …………
LUI — Le calcul élémentaire des probabilités montre qu’il arrive rarement que celui qui dit « je vous aime » aime vraiment celui qui le dit. Je ne veux pas souffrir. Je ne me laisserai pas induire en erreur. Je suis contre l’amour.
ELLE — Si je t’aime, est-ce que cela te regarde ? O april night how far and bright…
Odette Vostal

Régine Détambel et nous...

On en soupçonnait l’existence. Apollodore de Sicile y fait une allusion, obscure comme la nuit des temps. Le commentaire d’Apollodore que fait Pline l’Ancien semble tiré par la natte. Médiévistes et Préhistoriens, s’ils sont d’accord sur sa valeur de mythe purificateur, se crêpent le chignon sur son usage. Les contributions des historiens d’art ne sont pas de nature à démêler les fils de l’énigme. Les africanistes, nouveaux venus dans le débat, y apportent la méticulosité ennuyeuse et têtue des chercheurs de poux dans une tonsure. C’est en effet à un anthropologue spécialiste de l’Afrique de l’Ouest, que l’on doit la première description détaillée de l’objet.
Imaginez une gaule rigide haute comme trois fois un homme, surmontée perpendiculairement d’une planche de dimensions nettement plus réduites et munie de fortes pointes : un râteau géant.
Le manche est généralement taillé dans un bois durci au feu, tel un épieu, mais la traverse, elle, travaillée avec art, se présente dans des matériaux et formes d’une grande diversité :
En voici une en corne de gazelle dont les pointes vrillent comme des tourillons, une autre, plus aristocratique, en forme de main gantée d’ivoire, une autre encore, cintrée comme une coquille St Jacques, courbant ses longs ongles d’onyx.
Partant de là, les conclusions quant à la fonction de l’objet divisent le monde scientifique en deux camps aussi nettement séparés que par la raie dans une chevelure.
Pour les uns, c’est un engin de guerre semblable à la catapulte, avec lequel on ratissait des armées entières.
Pour d’autres, un instrument de torture avec lequel on étripait des armées entières jusqu’à ce que les entrailles sortent et puissent ainsi être étalées sur le sol comme un engrais.
Mais la finalité cynégétique est affirmée par ceux qu’interpelle la longueur du manche et qui en déduisent une utilisation verticale : d’après eux, on en disposait un grand nombre côte à côte comme des échalas, à fin d’y faire s’y empaler les singes et autres habitants bondissants des frondaisons.
On trouve encore une interprétation, que je donne ici à titre de curiosité :
Il existerait, en Afrique, un animal étrange, à la robe tachetée de léopard, aux longues jambes de chameau. Sa tête s’emmancherait sur un cou encore plus long que celui du « voyageur d’autobus», espèce bipède parisienne bien connue des passagers de la ligne S (aujourd’hui 84).
Cet animal serait l‘objet d’une vénération telle que celle de la vache chez les peuplades de l’Indus, de l’aigle chez les sauvages tribus d’Amérique ou de l’ours chez les chasseurs du paléolithique. Il existerait un collège de vierges entraînées à l’entretien de cet animal, que les arabes, qui en ont entendu parler, nomment « zerafa ». Une fois par an, la zerafa est menée en cortège jusqu’en une clairière. Les jeunes vierges trempent l’extrémité dentée de la gaule dans des teintures ocres et blanches et, redressant le long manche de l’instrument, tel un perchiste sa perche, prennent leur élan pour dessiner sur le long cou de la zerafa les figures sacrées et propitiatoires. Ce rite aurait pour nom : « peigner la zerafa », du nom supposé de l’objet : « le peigne à zerafa » .
Une théorie qui a suscité un intérêt certain au dernier symposium tenu sur le sujet.

Odette Vostal
17 mai 2007

Le Taille-Crayon d’Argent.

Cette masse à la chair métallique froide au premier contact est plutôt lourde
pour sa faible taille. Petite chose, elle a cependant la taille fine et se laisse enlacer entre le pouce et l’index. On la réchauffe vite au creux de la main.
Une fente, fine aussi, orne sa face supérieure. Sur celle du dessous elle se pose, se
repose dans le creux de la main, par exemple.
A l’avant elle est grande ouverte, l’arrière dont nous verrons l’usage est tout
resseré. Cette petite chose est faite pour tailler. Et elle taille sans état d’âme tous les membres d’une même famille : B ,2B, HB etc. Dans cette famille ils sont tous très droits, longs et durs, voire cassants mais l’intérieur si tendres et fragiles. Ils se ressemblent tous ; on ne les distingue que sur leurs mines : grasse et foncée, sèche et grise, rouge, jaune ou blanche et que sais-je encore ? La face grande ouverte accueille le préposé à la taille (certains spécimens peuvent accueillir deux préposés).Il y pénètre donc et plus il s’enfonce plus il est serré. Il y fait trois tours, cinq sept les plus coriaces et puis s’en va. Il y a laissé un peu sa peau mais en sort la mine réjouie, à tout le moins rafraîchie.
Par l’arrière sort ce dont B ,2B, HB voulaient se débarrasser. Ils se débarrassent
de ce qui leur permet de laisser une trace. Nous assistons à a un des paradoxes de
cette petite chose : elle les prend grands et jeunes, les restitue de plus en plus petits jusqu'à les faire disparaître. A la dernière visite elle les engloutit. On observe le deuxième paradoxe par la fente où l’on voit B ,2B, HB se contourner, se dépouiller de leurs vieilles peaux et leurs corps se rabougrir. Séparés du corps, leurs peaux se chagrinent. Taille-Crayon d’Argent apparaît donc comme une métaphore de la vie à l’envers. B ,2B, HB leur vie durant tracent, dessinent, colorient. Ils se donnent à toutes les mains qui les manipulent pour créer les images de l’amour, les mots de l’amour.
Quand ils sont en panne vite vite on les emmène chez la petite chose qui les
requinque mais toujours plus les réduit. Non, on ne peut pas les dissocier. Ils forment un couple infernal, certes, mais inséparables ç la vie à la mort.

Ca te fait une belle jambe, soit, mais t’as bonne mine maintenant, hein !

Gilbert Dombrowsky mai 2007

A la manière de Raymond Roussel et de C.Oriol-Boyer

Gilbert Dombrowsky

Manuscrit retrouvé et par mes soins tapé le 22 NOVEMBRE 2006

Le cœur desséché de cette vieille racine se tarissait, rétrécissait au fil des saisons. La tige nourricière, suprême et vénérable vestige d’un réseau d’approvisionnement souterrain désormais saboté, se désolait, grave et grise dans la poussière ocre-sienne. Les autres avaient été sectionnées avec Dieu seul le sait quelle tronçonneuse ! puis sérieusement aspergées de goudron. On, mais qui sont ces salauds qui saignent les rhizomes, avait jouissivement dégagé la terre autour du tronc squelettique ; il lançait ces bras comme des S.O.S., il implorait la clémence du ciel . Une seule subsistait comme pour mieux torturer le cœur de Monsieur Siramus, notre très bon auguste et noble jardinier. Le sassafras _ dont les racines sont aromatiques dixit Robert le Grand et le Petit _ échappa au massacre. Le figuier souffrait et quand le sirocco s’y collait, Siramus se désespérait ; de notre Intendant-Censeur ,ce triste sire, il avait reçu l’ordre de ne pas dissiper l’engrais et l’eau qui l’eut sauvé . De fait l’ordre venait de Notre Mère Supérieure et lui en prélat-économe du monastère et en dépit du bon sens s’inclina oh !le lâche _ Mon Dieu ne lui pardonnez jamais cet affront fait à vos œuvres … mais je m’égare (non ,mais vrai, Seigneur, nous vos humbles servantes en savons long … mais je m’égare encore petite sotte que je suis ).

Ainsi donc les feuilles tombèrent à peine en feuille. L’ombre était pâle, mesquine et misérable. Sans le savoir notre fidèle Siramus avait réalisé le rêve pingre d’Elle, La Supérieure : un arbre sans ombre, une ombre sans fraîcheur, soit une journée sans sieste ni figues encore toutes onctueuses et tièdes.

Or notre Siramus n’aimait rien tant que s’allonger dans l’herbe, un fromage de chèvre de la panchetta des pois chiche des olives des figues un pain de seigle, son gros opinel et une fiasque de rouge au coté droit . Et quand il avait ouvert sa chemise de toile, recouvert ses yeux de sa paille à larges rebords et ôté ses savates en corde c’est qu’il allait faire un petit roupillon, mon Siramus . Mon Dieu ! ses pieds, comme vous les avez bien dessinés :leur voûtes si rondement courbées, les talons et les plantes larges et fermes et qu’on devine pleins de vigueur, les orteils longs et grassouillets, ses attaches fines, délicates et d’Achille le tendon viril…il aurait marché sur le feu sans s’émouvoir cet homme… oh voila qu’encore je divague, grosse bécasse que je suis. Tiens pendant que j’y suis, les délicieuses figues dont le jus vous coule sur les joues, oh oui je sais c’est péché, Seigneur, mais pourquoi les avoir faites si pulpeuses et juteuses à la fois … bon je vois bien que je me mêle encore de ce qui ne me regarde pas, Vous aviez certainement une bonne raison… donc les figues, je disais, c’est Siramus qui nous les faisait passer sous le manteau, des bien rondes et toutes gonflées d’un bon jus sucré , et comme ni lui ni nous n’avions le droit de nous approcher à moins de cinquante mètres, il nous les déposait mine de rien et de réjoui sur un muret . Et nous naïves Nonnettes nous gloussions de tant de petits bonheurs à venir en cachette sous les draps ; La Sup. ne supportant pas de nous les voir gloutonner au réfectoire : c’est le fruit du Diable, disait-elle ; et là je veux bien la croire, peuchère. Y’a qu’à voir comment Siramus avec ses deux pouces il en ouvre une par le milieu, doucement en écarte les deux moitiés, y plonge son regard longtemps, longtemps, longtemps, absorbé et méditant tant qu’il en transpire, puis y pose ses lèvres et là (délaissant ses papilles) il rêve … à l’origine du monde, marmonne-t-il. Ouh, l’origine du monde ! moi, rien que d’y penser j’en ai des frissons et mon duvet qui se dresse sur les bras.

Donc où en étais-je, aille aille aille j’en perds la tête, ah oui… donc plus de sieste, plus de pause, il n’ose plus s’asseoir au pied du tronc _ bon, allez j’abrège _ il ne peut plus s’arrêter pour cueillir , il sait qu’en permanence Elle le surveille derrière les rideaux de serge rouge de sa cellule voûtée. « Remords Regrets Repentirs ; quels naufrages ! » Il eut souhaité l’étrangler plutôt que de voir notre Trentenaire Sup. déjà vieille, ce fruit desséché, ce fruit confit en dévotion, marinée sous la bure et la discipline. Et voila comment tout c’est terminé. Une après midi d’orage courant comme un forcené tête baissée se mettre à l’abri dans la grange il m’a bousculée, et avant que je n’eusse touchée terre m’a enlevée dans ses bras. De ma vie je l’entendrai toujours clamer à belles dents et moustaches retroussées _ oh, comme il parle bien mon beau Siramus !:
« Au fond du désespoir bienvenu soit l’orage ; fuyons, jolie Capucine, fuyons le cœur desséché de cette vieille radine ».


« Journal 1920-1964 ; T II , « Mes années Capucines »
Madame Siramus D’Estregac Grasse, Août 1964

vendredi 22 juin 2007

L'OULIPO et nous

Boule de neige


Hier
À midi
Devant le Sebasto
Nenette a rencontré Julot.
Julot à Nenette a dit:
Tu me fais bouillir la théière,
La môme, allons au bal à Jo,
Pour guincher la java, le fox-trott, le tango.
Ça va pas ? a bêché, dédaigneuse, Nenette.
Julot, elle le trouvait pas beau,
Elle le trouvait pas net,
Elle le trouvait ballot.
Ah ! les filles !
Pauvre, pauvre
Julot.