mardi 26 juin 2007

Fables

Le Moustique et L’Ours blanc

On n’a jamais besoin d’un bien plus grand que soi
Et à toujours vouloir vivre en sécurité
Un jour ou l’autre il vous le fait payer ;
Pour un oui pour un non vous serez balayés.
Sous sa forte bannière, fier, Droit,
vous aimiez marcher, hier ;
Demain, vous arpenterez seul votre chemin de croix ;
Peut-être aussi celui de votre liberté.

Lilliputien Moustique sous un poil d’ours caché
Faisait bon gîte et bonne chère Dans la fourrure du Seigneur des étendues glaciaires.
_ « Tu me débarrasseras de mes parasites. _ Oui, Maître. _ Tous les poux puces punaises et
tiques. _ Bien, Maître _ Sans oublier les bactéries et les champignons. _ Pardon, Maître, mais... _
Tais-toi et débrouilles-toi. _ Bien sûr, Maître. _ Et quand je verrai l’Homme s’approcher, toi et les
tiens, vous vous ruerez sans pitié, lui ferez aveuglante nuée et moult irritants agacements ( pour ça à merveille vous vous y entendez ) aussi longtemps qu’il n’aura pas tourné les talons. _ Oh,
oui, oui Maître. »
Notre Moustique se sentait grand d’être sous son bras ;
Se croyant plus grand encore, répétait à tue-tête
Qu’il vaut mieux être dans la queue du Lion que dans la tête du Rat
Quand il ne faisait que bien répéter ce que tous les siens répètent
Depuis lointaine lurette.
« En attendant fais-moi rire, Bouffon,
Picote-moi sous les bras. »
Allègre, Seigneur Ours dandinait un menuet.
« Ah, Banquise, amie d’éternité - dit-il à sa complice-
Des moustiques j’en ai écrasés par milliers,
Autant au casse-pipe face aux Hommes j’en ai envoyés
Et dès que je leur ouvre les bras, à nouveau
Se précipitent y prendre vivres et asile.
Si je leur accorde un sourire, une singerie à leurs petits, une médaille pour leurs braves,
Les voila toute la nuit caquetant
Et reconnaissantement sur mes flancs
Bavent.
Un mien ami en Aquitaine dit
Qu’on y parle beaucoup de La Servitude Volontaire ;
Certes !
... Oh ,du calme là-dessous _ Moustique prenait ses aises _.
Vous leur autorisez un poil,
Ils prendraient toute la fourrure ! ».
Seigneur Ours est fort chatouilleux sur le soupçon, la confiance et la trahison ;
En alerte, notre plantigrade parano mais presque, ne s’en laissa point conter.
Pour moucher l’impertinent moucheron,
Dans sa superbe, il attaque un plongeon.
Avant de tomber dans l’eau glacée
Moustique eut juste le temps de serrer ses hardes
Et le voila livré au hasard,
Aux grands vents et au blizzard,
Aux caprices de la camarde.
Seigneur Ours remonta sur la banquise en baîllant :
« Celui-là, il devenait un peu trop bruyant. »

Gilbert Dombrowsky décembre 2006

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